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Fusillés pour l'exemple

Angola : mensonges d’États

José Eduardo Dos Santos (JES) (1) est présenté en Europe comme un chef d’État respectable et probablement comme l’homme d’avenir, malgré son âge et la maladie, destiné à jouer un rôle prédominant dans la stabilisation de cette partie de l’Afrique.


Cette image est surprenante quand on sait que les Forces armées angolaises (FAA) continuent de réprimer la population du Cabinda (2), sous prétexte de lutter contre la guérilla du FLEC (3). Ces mêmes troupes commettent des exactions à l’encontre des immigrés congolais expulsés, en toute impunité depuis 2003, maintenant qu’ils ne sont plus jugés nécessaires au développement du pays. Les femmes sont particulièrement victimes de ces brutes. L’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) dénonce plusieurs milliers de viols lors des reconduites à la frontière (4). Comment, dans ce contexte, croire le gouvernement angolais quand il prétend, par la voix même de Dos Santos, être engagé un dialogue politique sincère pour la résolution pacifique de la question cabindaise ? Comment expliquer le silence de la Communauté internationale devant les crimes commis à l’encontre de civils par les FAA ? Peut-être est-ce le fait que la deuxième armée la plus puissante d’Afrique (après l’Afrique du Sud) se fournisse auprès des marchands d’armes européens ? Peut-être est-ce dû aux immenses réserves d’or noir du Cabinda ?

Le soutien des “amis” occidentaux
De même, le fait que l’Angola exploite illégalement le pétrole d’un territoire maritime, appartenant à la République Démocratique du Congo (RDC), pour l’exporter vers les nations industrialisées, ne semble indigner personne.
Le rapport de force qui s’est mis en place entre ces deux nations offre à Dos Santos l’opportunité de jouer les gros bras, face à une RDC affaiblie par les conflits internes. Alors que l’Angola refuse de quitter ce territoire maritime congolais en cours de pillage, la chancelière allemande Angela Merkel promet, dès son arrivée à Luanda, d'offrir des navires de guerre au régime belliciste angolais. Elle justifie ce “cadeau” en prétendant “aider JES dans son rôle de pacificateur en Afrique et pour que l'Angola puisse bien surveiller ou sécuriser ses frontières”. Il faut comprendre frontières maritimes, de la partie australe jusqu'au Golfe de Guinée, zone encore plus riche en pétrole. Le régime angolais y investit massivement depuis quelque temps, dans le but de satisfaire les besoins en énergie de ses partenaires et clients, entre autres les États-Unis, la Chine, l'Allemagne, etc.
En fournissant les bateaux de guerre à Dos Santos, l'Allemagne renforce l'arrogance de son régime qui n'hésitera pas à les utiliser dans le conflit maritime actuel contre les intérêts et la souveraineté de la RDC. Ainsi, JES pourrait bien remplir son rôle de “policier défenseur et protecteur des intérêts de l'occident et des puissances émergentes en Afrique”.

Un défenseur des intérêts néo-coloniaux
Cette promesse de livrer les bateaux de guerre au régime de Dos Santos entre dans la logique actuelle de la politique africaine définie et présenté le printemps dernier, à Berlin, par le gouvernement d’Angela Merkel, par l’intermédiaire du chef de la chambre de commerce et d'industrie allemande (DIHK). Celui-ci prône “la défense des intérêts économiques allemands en Afrique, en sécurisant l'accès des multinationales et corporations allemandes aux ressources naturelles, particulièrement aux quinze ressources naturelles stratégiques trouvées en Afrique, et
de faciliter l'accès aux « richesses inexploitées » du continent noir”.
Il est le co-auteur de la nouvelle doctrine pour la politique africaine allemande, qui prescrit “l'engagement de l'armée allemande, la Bundeswehr, en Afrique afin de défendre les intérêts germaniques. Ces forces devront alors sécuriser l’accès les routes commerciales du continent noir” pour garantir l’acheminement sans perturbations des ressources naturelles stratégiques de l'Afrique vers l'Allemagne et l'Union européenne. Les Africains, surtout les intellectuels, savent ce qu’ils doivent entendre par “sécuriser les routes du commerce par les forces armées”. Cette citation a comme origine le document final de la fameuse Conférence de Berlin sur le Congo de 1885, où Bismarck et le Roi des Belges Léopold II, avaient découpé le continent noir et organisé son pillage systématique et le génocide de l'homme noir.
Bismarck et Léopold II ne sont plus, mais leurs descendants continuent de réfléchir selon la même logique qui consiste à l’emploi de la force pour accéder aux richesses naturelles de ce continent et
imposer une militarisation nécessaire à la sécurisation des routes de commerce.
Dès lors, il n’est pas étonnant que divers discours d’hommes politiques et de certains analystes européens présentent Dos Santos comme la personne la plus apte à remplir cette mission. Ainsi, les
soldats de la Bundeswehr, de l'Armée populaire chinoise, de la Russie, de l'armée américaine ou encore les parachutistes et les légionnaires français, n'auront plus besoin d'être présents en Afrique. Ces puissances échapperont aux critiques de l’opinion dans leurs pays respectifs, car un leader africain travaillera pour eux et fera le sale boulot pour leur compte.

Un régime belliciste
Doit-on rappeler le rôle de Dos Santos dans le conflit armé en Côte d'ivoire en envoyant des troupes d’élites de sa garde présidentielle soutenir le candidat perdant Laurent Gbagbo ?
Cette manière d'agir démontre-elle une volonté d’instaurer la stabilité en Afrique et de construire la paix ? Dos Santos s'est démasqué une fois comme le vrai ennemi de la paix avec le récent incident daté du 13 au 18 octobre 2013, lorsqu’il commandita l'incursion militaire de ses forces blindées dans la région sud-ouest du Congo-Brazzaville, zone de Kimongo, un chef-lieu de district du Niari, située à la frontière avec Cabinda. Dans ladite opération le despote angolais ordonna l'envoi d'une troupe blindée de 500 soldats surarmés venus de Luanda pour occuper cinq municipalités de cette zone du pays voisin, et l'enlèvement de 55 militaires congolais. Pendant cet acte criminel d'agression d'un autre État souverain, et de violation flagrante de la Charte de l'ONU, acte qui peut d'après la résolution 3314 des Nations Unies sur la définition de l'agression être considéré comme crime contre la paix internationale, Dos Santos souleva par le biais de ses troupes occupatrices une
revendication territoriale sur cette partie du Congo-Brazzaville riche en pétrole et terres rares, dont le phosphate, très utile pour l'industrie mondiale des engrais agro-alimentaires.

Un régime qui accapare les richesses du pays
Le président angolais accuse ses opposants, qui le critiquent sur sa mauvaise gouvernance, de n’avoir “jamais connu l'Angola avant l'indépendance et [qu’ils] n'observent pas le parcours fait par ce pays depuis l'indépendance jusqu'à ces jours”. C’est ignorer les exigences de millions d'Angolais pour la transparence au sujet des recettes perçues après le départ des colons. En juin 2011, une agence de l'ONU nommée PNUD confirmait que “l'Angola aurait perdu entre 1990 et 2008 (ou pour une période de dix-neuf ans) plus de 34 milliards de Dollars américains dans les activités financières illicites, entre autres des transactions commerciales à prix fictifs, la fuite massive de capitaux, les transferts transfrontaliers d'argent résultant de la grande corruption, le commerce de produits de la contrebande, l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et d’autres crimes économiques organisés”. Qui était donc à la tête de l’Angola entre 1990 et 2008 ?
La question que se posent maintenant les Angolais et les Africains est : qu’aurions-nous pu faire de 34 milliards dollars ?
Avec cette somme gigantesque - le jour de la publication de cette étude par l'agence onusienne elle correspondait à 23,86 milliards d'euros - on pourrait faire un paradis pour tous les Angolais, en construisant de bonnes écoles, de bons hôpitaux munis de services et personnels spécialisés, des formations et recyclages de bons cadres médicaux. Il faut ajouter à cette somme d'autres montants
d’argent détournés par le clan au pouvoir, soit encore des centaines de milliers de dollars, déposés dans les banques étrangères occidentales ou dans des îles des Caraïbes.
Avec 100 ou 150 milliards (valeurs estimatives accumulées par ce clan JES), l'Angola pourrait être un paradis sur terre et le centre moteur pour le développement de cette région d'Afrique centrale et australe, aux côtés de l’Afrique du Sud. L'Angola pourrait partager cette richesse non seulement avec ses fils et filles, mais aussi contribuer à un partenariat positif et durable avec la RDC et le Congo-Brazzaville.

L'Afrique doit être maîtresse de son destin
La société civile africaine doit prendre conscience qu’elle seule peut être motrice de son essor. Il lui suffirait seulement de mobiliser ses propres ressources et ses potentialités humaines existantes pour que le continent sorte de l'impasse et de cette malédiction imposée à cause de ses richesses. La coopération avec les puissances occidentales ne devrait pas consister à acheter des armes pour s’entretuer au profit d’intérêts étrangers, mais de travailler au bonheur de tous les fils et toutes les filles du continent africain. Après le traumatisme de l'esclavagisme, l'humiliation de la colonisation et le pillage des ses ressources, il est vraiment temps de travailler à l’émergence de leaders respectueux et amoureux de leur continent. Il est temps de voir les nations africaines dirigées par des individus inspirés par l’exemple et la pensée de Patrice Lumumba et de tous les autres dirigeants charismatiques ayant eu le courage d'affronter les ennemis de l'homme noir africain.

Emanuel Matondo,
Militant de l'IAADH (Initiative Angolaise Antimilitariste pour
les Droits de l'Homme), composante de l'IRG (Internationale
des RésistantEs à la Guerre
Pascal Rigollot-Dereudre,
Militant de l'ACAT et de l'Union Pacifiste

Article publié dans l’Émancipation syndicale et pédagogique du 3 décembre 2013 (http://www.emancipation.fr/spip.php?article928)

 

(1) Chef d'État de la République d'Angola depuis 1992, et précédement celui de la République populaire d'Angola depuis 1979.
(2) Le Cabinda est une des dix-huit provinces de l'Angola, situé à l'extrême nord du pays. Enclavé entre la République démocratique
du Congo (Congo-Kinshasa) et la République du Congo (Congo-Brazzaville), il est séparé du territoire principal par une bande côtière
d'environ 60 km dépendant de la RDC et constituant l’unique accès maritime de celle-ci.
(3) FLEC = Front pour la Libération de l'Enclave de Cabinda.
(4) Appel urgent de l’ACAT- France : Angola : viols massifs de congolaises expulsées ; pour plus d’informations et pour signer l’appel
urgent : http://www.acatfrance.fr/appel_mois.

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